Chansons d'ADAGE

La silicose vallée 

( les cierges de brique )


Quand je ferme les yeux, je revois bien souvent
Les blés murs de l'été qui dansent avec la brise,
Les bras des cerisiers croulant sous les cerises.
Un grand plateau désert que balaye le vent,

Comme un fond d'aquarelle qu'un artiste aurait peint
Se dresse à l'horizon de ma douce campagne
La silhouette claire de modestes montagnes
Teintée du vert pastel et sombre des sapins

Entre elles et le plateau, c'est la plaine alluviale
Où l'herbe haute joue sa gamme de verts tendres.
Une rivière s'enfuit en multiples méandres
Veillée du haut des cieux par le milan royal.

Au bord de ce plateau, tout près de la falaise
Venant casser le trait de l'horizon paisible
Un grand cierge s'élève, rigide et impassible
Un grand cierge bâti de briques et de glaise

C'est une cheminée dressée comme un totem
Avec une maison blottie contre son flan
L'une et l'autre encore chaudes, témoins encore brûlants
De notre humanité: toujours le même thème

Jadis en cet endroit s'élevait une tour
Comme un grand dinosaure de béton et de fer
Un puit entre ses pieds plongeait jusqu'en enfer
Et avalait vivants, les gens des alentours

C'était comme une ruche oeuvrant pour une reine
Tout un monde affairé qui palpite et qui grouille
La reine avait un nom, on l'appelait : la Houille
Les hommes étaient soumis devant leur souveraine

Ils étaient « des gueules noires « et vivaient de leur ploche
Et tels de forçat pour un maigre salaire
Ils affrontaient le diable à mille mètres sous terre
Tout juste assez de quoi rassasier leurs mioches

Parmi eux il y avait un petit italien
Qui avec ses frères, avait fui l'Italie.
Et la montée sinistre de Mussolini
Qui à leur humble avis ne valait rien de bien
 
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