Je suis né là haut, tout là haut, dans la montagne
Je porte au fond de moi le secret de l’endroit
Je reviendrai au bout de 3 ans de campagne
Pour mourir où sont morts mes parents avant moi
En attendant je poursuis ce rêve qui me hante
Toujours descendre les cascades et les courants
Un beau matin atteindre l’estuaire de Nantes
Et puis me perdre tout au fond de l’océan
Je suis poisson, je suis saumon
Je rêve d’autres horizons
Toujours poussé par le fol instinct du voyage
Je suis saumon, je suis poisson
Et je laisse dans mon sillage
Les eaux de France, les hommes et leur déraison
Un jour de juin au beau milieu de l’Atlantique
Mes congénères se rassembleront par millions
Nous partirons vers les eaux froides de l’Arctique
Là en toute liberté nous nous aimerons.
Pendant des mois j’accumulerai des grandes forces
Je prendrai la couleur rose des crustacés
Au milieu des colonies de phoques et de morses
Évitant les dents des orques et des cétacés
ref
Un matin de printemps lorsque les glaces fondent
Que l’eau ruisselle de toutes part des grands glaciers
Dans ma mémoire surgira l’image profonde
D’un petit ruisseau perdu dans le Haut Allier
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Mais me voilà devant l’estuaire de Nantes
Je suis surpris de voire ses miasmes qui dérivent Des traînées blanches et des effluves répugnantes Et ces détritus qui envahissent les rives J’ai du mal à respirer, à trouver mes forces
Et ces nouveaux obstacles que je ne connaissais pas Murs de béton qu’obstruent des bois et des écorces Et les pêcheurs qui me lancent tous leurs appâts Je suis poisson, je suis saumon Je rêve d’autres horizons Toujours poussé par le fol instinct du voyage Je suis saumon, je suis poisson Et je retrouve dans mon sillage Les eaux de France, les hommes, et leur déraison Malgré la volonté, la force, et le courage
Que la nature a mis en moi auparavant Je crève là tout seul au pied de ce barrage Sans jamais voire redescendre mes enfants Ref J’étais le fils mystérieux de la rivière
J’étais poisson, j’étais saumon, Mais je suis un mort dans un limon Et je plaints beaucoup les hommes qui resteront Oui, je plaints beaucoup les hommes qui resteront ... A Pierre GUILLAUMIN
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