Les mots
A l'encre blanche dans ma nuit Une page noire s’allume Les mots se glissent sous la plume Qui langoureusement les suit De l’arbre blessé suintant Perlent des globules de sève Aux commissures de mes rêves Les mots sont des gouttes de temps Des sirènes des lamantins Traînent leurs lignes en mots troubles J’entends le passé simple double Et le futur plus-que-certain Les mots enfantent les idées Comme l’eau invente la source Ils sont la monnaie de la bourse Le guide premier de cordée Les mots s’écrivent ou se crient Du chant primal à l’épitaphe Ils friment dans leur orthographe Rutilante carrosserie En suspension dans l’essentiel Les mots exhalent leur essence Ils encensent mon innocence Aux éthers de miel ou de fiel Impatient et prêt à bondir Bravement sur la barricade En guise d’armes camarades Je n’ai que des mots à brandir |
Les mots font écrouler les murs
Sitôt qu’ils caressent la pierre Fustigent grilles et frontières Meurent sucés par la censure Par les racines périmées Le fil de l’oubli se faufile C’est l’hémorragie les mots filent Du vaisseau fantôme abîmé Bradés les bijoux les émaux Et claquées les dernières thunes Je sourirai à la fortune Tant qu’il me restera des mots Mots d’esprit mots-clefs grands ou gros D’enfant de passe de Cambrone Mots qu’on mâche mot qu’on se donne Le mot de la fin le fin mot Bradés les bijoux les émaux Et claquées les dernières thunes Je sourirai à la fortune Tant qu’il me restera des mots |