Chansons d'ADAGE

 

Le prestidigitateur du café du midi 

 

ll était là, vêtu de noir.
Tout seul, appuyé au comptoir,
Silencieux et le regard
Perdu au fond de son pinard. *
Que pouvait-il bien y voir ?
Son image ?
Comme dans un miroir ?
Que pouvait-il apercevoir
Penché comme un grand désespoir ?
Et puis il a tourné la tête.
A fait : "C'est pas mal, c'que vous faites!
Vous n'auriez pas une cigarette ?"
Pour en offrir, t'es toujours prête.
T'as répondu sous le platane :

- "Désolée, je n'ai pas d'gitanes".

Alors de sa voix qui résonne il m'a fait :

- "Va pour une Benson.
Cette chaleur est insupportable.
Entrez ! Venez donc à ma table.
Ici nous sommes entre amis.
Hé! Patron, s'il vous plaît, 3 d'mis !
Il reprit, en goûtant sa bière
- "Rechantez-moi votre dernière,
celle du couple, la parodie."
On a refait "Tu n'as rien dit".
A la fin, il leva la main
Puis baissant ses yeux de gamin,
Il se mit à chanter. Que dis-je ?
Il nous accomplit un prodige.
Des mots rugueux comme des rochers
Où les consonnes s'accrochaient
Sortaient de sa voix déchirante
En syllabes tonitruantes.
 
Pendant ce temps d'une main leste,
Il nous traçait en quelques gestes
Des arabesques circulaires.
Il dessinait avec de l'air.
Et cette main, comme la divine peinte
Au plafond de la Sixtine
A tout un monde a donné vie.
Il n'y avait rien, mais on vit
Au fond du café du midi
Les falaises de Normandie,
La Manche triste à marée basse
Les dimanches où "y' rien qui s'passe",
Une belle danseuse occitane,
Dans la fumée d'une gitane,
Un chien d'ivrogne et un zippo,
Un p'tit garçon dans les copeaux
De son père fabriquant des chaises
et tout au fond du Père Lachèze
une ombre inquiétante et maudite
qui cachait la tombe d'Edith.
Ah! C'était le magicien chanteur,
Oui, le prestidigitateur, le Houdini, le Manitou,
qui faisait apparaître tout.
J' accompagnait à la guitare
ce gars qui n' jouait pas la star.
J'ai vu un bout du Paradis
au fond du café du midi.
Malgré sa voix, malgré sa main;
Ce chanteur n'était qu'un humain,
cet humain n'était qu'un chanteur
qui cherchait l'Amour, les câlins;
le prest ...idigitateur.
  • La version originale était " au fond de son ricard"
    quand  je lui récitée, il m'a dit
    "Je bois jamais de Ricard, remplace par "Pinard"

 

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